mercredi 09 juillet 2014 : Voyage éclair à l’Argentera
une montée de nuit au refuge bivouac Varone, sous un clair de lune magnifique. .. de quoi rêver ! Voilà le premier petit cadeau que nous nous offrons Jacques Thibault et moi, après avoir quitté le bureau mardi soir. Nous ingurgitons les victuailles que nous ne voulons pas prendre dans le sac et nous laissons le fourgon aux Thermes de Valdieri dès la tombée de la nuit. En 2h15, d’un pas ferme, nous nous rendons au pied du Lourousa, couloir de 800m en bonnes conditions actuellement. L’eau en abondance sous le refuge, nous permet de remplir les bouteilles que nous avions pensé à glisser au fond des sacs. Dans la cabane, 2 alpinistes dorment profondément… Je laisse Thibault et Jacques s’installer confortablement. Je sors faire de même sous un beau ciel étoilé pour un bivouac prémédité. Muni d’un épais matelas pris sur une des couchettes vides, je me glisse dans le sursac pour une nuit d’exception … des sensations que je voulais retrouver au pied du chaînon des guides.
La nuit est courte, à 4h30 Thibault nous réveille. La cordée « mystérieuse » dort toujours…
Un p’tit déj. vite avalé dans le refuge, et nous voilà dehors préparant nos sacs et le matériel sur nos baudriers. Nous laissons derrière nous les 2 inconnus qu’on ne verra jamais et gagnons le pied du couloir en remontant la pente déneigée.
Le choix du premier de cordée est vite décidé. Thibault fera le couloir en tête, Jacques prendra le relais dans la traversée. L’objectif n’est pas de faire un chrono. Nous avons le niveau de le gravir sans corde, mais nous nous protégerons tout le long de l’ascension, pour ne pas prendre de risques , mais aussi pour que Thibault se mette en situation de leader d’une cordée de débutants. Obligation pour lui de trouver la protection idéale. C’est le but du jeu. Le rocher parfois compacte ne permet pas toujours la pose de sangles, quelques camalots en notre possession lui seront d’un grand secours. Exercice qui finalement prendra du temps et ne sera pas si facile …. Après avoir déjoué les pièges d’une neige dure et les chutes de pierre dégringolant du Corno, nous sortons le couloir vers 10h.
L’ambiance n’est plus la même. Tout est sec. Vue plongeante sur les lacs de Chiotas. On enlève les couches, on prend quelques forces en grignotant nos barres et nous filons sur la vire en direction du sommet Nord. Beaucoup de monde sur l’itinéraire. Nous croisons plusieurs cordées de guides venant du Remondino qui se dirigent vers le Bozano par les crêtes du Gélas du Lourousa, sans doute dans l’intention de former les aspis.
La traversée de la cime Nord à la cime Sud n’est qu’une formalité pour Jacques. Mais la prudence s’impose, beaucoup de pierres peuvent dévaler sur les cordées tout autour, aussi bien côté de la Forcella, comme du côté de l’Altoplano del Baus où nous voyons 2 grimpeurs dans la superbe voie de Gabarrou « Etoiles Noires ». A midi nous parvenons à la Cime SUD. Quelques notes sur le carnet planqué sous la croix, et la neige fait son apparition ! des petits flocons bien denses s’apparentant à des petits grêlons ! pas le temps de manger, le plafond baisse, côté Nord nous n’apercevons plus le Viso ni le Matto. La température chute soudainement ! Nous plions la corde. Faut filer !
En peu de temps nous descendons la voie normale. Aucune présence de neige . Le brouillard s’empare de la vire . Nous retrouvons au Passo dei Detriti.
La perte d’altitude complique un peu les choses. Les flocons ont laissé place à la pluie. Le rocher est trempé. Les dernières dalles nous séparant du névé que nous voulons rejoindre sont trop glissantes. Je me suis trompé de passage, j’ai entraîné mes camarades avec moi au lieu de continuer vers l’autre couloir. Pour ne pas s’exposer stupidement nous ressortons la corde sur les 20 derniers mètres qu’il nous restaient à dévaler. La prochaine fois je prendrai les éboulis !
Au Remondino, nous retrouvons Franca, toujours aussi souriante. L’occasion de se faire la bise, de parler d’amis communs, de nous restaurer … . Pendant ce temps la météo se dégrade, la température continue de chuter. Alors nouveau départ précipité ! Incroyable, 09 juillet nous marchons sur le sentier avec gants et bonnet.
1h1/2 plus tard, sur la route j’ai comme l’impression d’être en écosse. Têtes baissées, tout encapuchonnés nous marchons robotisés pour retrouver le fourgon garé de l’autre côté de la montagne… c’est souvent ainsi que se termine la boucle de la traversée des Argentera. Nous n’avons eu de la chance qu’au dernier kilomètre. Une dame âgée, à la conduite incertaine, mais d’une extrême gentillesse, nous embarque au volant de sa petite voiture. C’est ainsi que notre chauffeur milanaise nous prouve qu’il est possible de rouler plus lentement qu’une cordée de 3 français à pieds voulant en finir après 11h de course !
Tout ça valait bien une petite surprise que je réservais à mes 2 comparses. La rencontre avec ma fidèle amie Bruna. Au programme, visite des alentours de Borgo, des chocolatiers et une mega pizza dans le meilleur restaurant de son village, Caraglio, où je vous conseille de vous arrêter un soir si vous allez par là bas …. Pour avoir le privilège comme nous d’être son hôte, c’est un long chemin à parcourir. Mieux vaut s’y prendre à l’avance, elle est très demandée….
Le retour n’a pas été facile, il a bien fallu qu’on « s’arrache », qu’on revienne à la réalité niçoise juste avant minuit, avant que mon VW se transforme en citrouille…
Aldo
la course en images…
22 h , sur le long sentier du vallon du Lourousa, la lune remplace nos frontales , illumine le couloir comme un projecteur avant l’entrée en scène
bivouac Varone, 2235m d’altitude, 8 couchages confortables, un coin cuisine, des matelas et couvertures à disposition…
lever du jour sur le Lourousa, la face nord du Chaînon des Guides et du Corno Stella…
Jacques,complètement avalé par l’ambiance…
derrière nous le Matto culmine à plus de 3000m
Les rayons du soleil s’emparent du Corno…Thibault s’équipe
Dans ce réveil matinal, le Viso s’impose, impérial, et domine toute la région…
Thibault à la recherche des becquets et des fissures…
Sur nos têtes, on le voit, il est là, celui qui marque à jamais l’histoire de la face austère et sauvage du Corno… le fameux Dièdre Rouge ! 32h d’escalade ! ouvert en 1962 par Didier Ughetto et Franck Ruggeri en 3 jours. Un socle de 150m en V, 120m de paroi déversante se terminant par un toit en 7a+ ! une voie côtée ED où ils auront posé 29 pitons et 36 coins réglables fabrication « maison » comme on dit, des coins de bois de 26cm de large !!! (il était possible d’un voir un à Alticoop fut une époque…) 1 ere ascension en libre en 1994 par Patrick Berhault Arnaud Boudet Franck Ghini et Olivierr Giroud et Patrick himself en solo sept 96… respect! Mais ce serait oublier son ascension en solitaire en plein hiver lors de sa traversée des Alpes. 14h30 de bagarre dont 9h d’escalade le 16 janvier 2001, où il lui faudra s’y reprendre à 6 fois avant de pouvoir se rétablir de la fissure…
le spigolo supérieur fièrement érigé dresse vers le ciel sa lame acérée . Il abrite depuis les années 30 les plus belles lignes du Corno-Stella…
nous continuons notre progression,. La neige est très dure. Nos crampons pénètrent bien…
l’heure tourne, le soleil inonde la vallée. La brêche permettant le passage de la traversée du Corno est ensoleillée. Elle permet de rejoindre par le nord la base du spigolo supérieur. C’est une course mixte d’un dénivelé de 950m depuis le bivouacVarone, dont la première date de … 1904 ! L’époque des héros Victor de Cessole Jean Plent et Andrea Ghigo…
Plus facile à protéger, la partie haute du couloir ne pose aucun problème à Thibault…
Nous prenons de la hauteur… nous mesurons le dénivelé. Je ne peux m’empêcher d’avoir une pensée pour les victimes et l’entourage du dernier drame qui s’ est déroulé ici il y a 2 mois à peine: 5 alpinistes emportés jusqu’en bas par une avalanche déclenchée par un 6ème grimpeur au moment de sa sortie au collet…2 ont perdu la vie. La liste s’allonge au pied de ce couloir qui nous parait si facile aujourd’hui…
Jacques à califourchon au Coolidge
les nuages entourent le Viso. Jacques reste en selle …
le barrage de Chiotas 1000m plus bas…
Changement de leader au départ de la vire…
les cordées italiennes envahissent les lieux…
la cime sud se dévoile un instant…
Vue sur le refuge Bozano, véritable « repaire » de grimpeurs au pied du Corno-Stella. La mère de Lorento Bozano, à 85 ans y est montée en 1921 à dos de mule pour ne ne pas rater l’inauguration! Au dessus du refuge le Chaînon des Guides, une muraille qui ne recèle pas que des voies d’escalade, mais peut être bien des trésors après l’accident de l’avion privé du roi d’Arabie Saoudite qui en 1963 a percuté son sommet. Des dizaines de milliards en or parait-il, pas tous retrouvés…
Pas le temps pour nous de chercher un trésor, nous traversons la Forcella…
En conditions hivernales pas facile de s’y protéger…
Thibault à l’aise avec ses « grosses » au pied…
Cime Sud, le plafond nuageux s’abat sur nous…
le temps d’une photo et nous calons dans la voie normale…
la descente au refuge Remondino…
sous le regard placide de bouquetins…
la suite vous connaissez…